Siège d'Antioche / Récit de la première croisade d'après Baudri de
Bourgueil
Geste
Siège d'Antioche / Récit de la première croisade d'après Baudri de
Bourgueil:
Fragments Hatton: numérisation de l'édition de P. Meyer
, éd. par Paul Meyer,
Encodage en TEI
Marie-Laurence Bonhomme
édition numérique sous la direction de
Jean-Baptiste Camps
,
Mélanges de poésie française
Paul Meyer
Romania
Paris
F. Vieweg, libraire-éditeur
1877
t.6
n°24
pp.481-503
— Voire, dist l' ' emꝑ. , « ne m' ' en puis esclairier . » Puis a fait Menuiax Godefroi acointier1 Qu ' il lait Costantinoble et s' ' aut fors herbergier, Car la gens ne li sires ne l' ' i ont gaires chier . Quant Godefrois l' ' oi, sa gent a fait logier [545] Auques loig de la vile dalés . j . grant vergier Qui fu l' ' empereor, mervillous et plenier ; Et i coroit une aigue qui menoit grant tempier . Assez i fussent bien pr lor cors aaisier Se ne fussent li Griu qui les vont abaier . [550] A . j . soir i alerent ꝑ lor fort enꝯbrier , Car cil qui l' ' ost devoient la nuit eschergaitier En ont . vij . detrenchiez qui gisent el gravier . Bien le sot l' ' emꝑ ains qu' ' il s' ' alast couchier : Se il en est maris nus n' ' en doit mervillier2 [555] Au matinnet a l' ' aube, quant il dut esclairier, Manda pr Godefroi le nobile guerrier . Li bons dus God. a la ꝑole oie Q Alexis le manda, que Jhesus maleie ! Toz les millors manda de sa grant baronnie, [560] Bien les fist conreer, ce fu grans cortoisie ; Puis montent es destriers qui vinrent de Hongrie . 25 Dui et dui sont entré ꝑ la porte Goulie : Merveilles les esgardent cele gens Grifonnie, Et dit li . j . a l' ' autre : « Veés quelt baronnie ! [565] 3 [ fol. 491 ] « Et ꝯ samble preudom li sires qui les guie ! « Ml't fait nostre emꝑ. Alexis grant folie « Quant il nes fait passer outre la Rômenie, L ' empereor troverent qui fist chiere marie, Et fu en . j . encloistre lés une praerie ; Sor . ij . pailes seoit qui furent de Hongrie, Lés lui fu Murgalez qui fu dus de Hongrie4 Et ses oncles de pere a la barbe florie5 [575] Et bien . c . duc et ꝯte de maisnie escharie Furent environ lui et ne s' ' esturent mie6 Li dus ala avant a la chiere hardie, L ' empereor salue de Deu le fil Marie . Alexis li respont : « Et il vꝯ beneie ! [580] « Mais je ne salu pas la vostre ꝯpaignie « Qui ont mes homes mors et ma terre gastie . « Toute ceste contrée en est vers ox marie . « Si vꝯ consillerai sans nesune boisdie « Que passissiez le Bras le matin o navie ; [585] « Je vos ferai avoir bonne marcheandie, « Si que vostre os en iert bien ꝑ tot replenie ; « Et vꝯ me juerrés, ques avés en baillie, « A bien garder ma terre, mes m'bres et ma vie7 — Volentiers, » dist li dus, « Dex vꝯ en prest aie ! [590] « Mès seürté m' ' en faites que n' ' i ait trecherie . — Et je ensi l' ' otroi, » Alexis li escrie . Les s. font aporter a . j . vesque Ysaïe : Ambedui ont juré et ont lor foi plevie ; Quant sont entrebaisié si fu la departie, [595] Et li dus retorna a sa herbergerie ; A toz ses ꝯpaignons a sa voie bastie Que demain passeront quant l' ' aube iert esclarcie . 8 Godefrei de Boillon od le grand hardement, Qui en Romanie ot esté mult lungement, Fu retornez ariere, Deu li soit en present ! Por endroit la vitaille dont il ot escharsement Mais quant de Buiamon aprist l' ' aveinement, Tel joie en out le duc que trestut s' ' en esprent ; Et quant il s' ' entrevirent, ce sachiez voirement Plus grant joie se firent qu' ' assez ne funt parent . (p. 22) Le jor vint li evesques et le conte ensement, Dan Reimond de Saint Gile od le grant escient ; Huit jor furent ensemble por atendre lor gent . Alexis l' ' emperere cui tote Grece apent Par ses corꝑals 10 lor manda parlement, Et que fussent si home par tel devisement Que le marchié tot plentivosement, Et après les siwist od son efforcement . Mais tut ont respondu qu' ' il nel feront naient, Ne ja sur Damedeu n' ' avront avoement, Car por lui sunt tut meü et soen sont tut quitement . Quant Alexis l' ' oï, qui Deus doinst marrement ! Si lor ad il veé marchié et passement . Tuit li baron de l' ' ost en funt assemblement, Saveir coment il le front11 et com faitierement Si poront contenir endroit12 l' ' arestement . Dan Raimon de Saint Giîle parla premierement : « Seignors, ge vos dirai le mien entendement : [ fol. 493 ] Cist Griffon sunt felon et plain d' ' utragement, Et se mainent vers Deu et vèrs nos malement, Et nos avons ici merveillus ajostement . 13 Et nꝯ avons ici mervillous jostement : S ' Alexis l' ' emꝑ. ne fait nostre talent, Je lo bien et ꝯseil que tot ꝯmunement Asaillons sa cité qui vers nꝯ prent ꝯtent . Grijois sont plain d' ' engien et de decevement, Mais coart et lanier sont, sans deffendement : Plus valent . xx . des nos que ne font des lor . c . ; Sempres les arons pris, ꝑ. le mien escient, Puis ferons de la terre nostre ꝯmandement . Or en dites vꝯ autre ce que chascuns en sent, Car je vꝯ en ait dit le mien ꝯseillement 14 — ꝑ Deu ! » dist Buiemons, « ci a mal loement . « Nꝯ somes ci venu pr Deu tot purement, « Et pr paiens destruire, se il le nꝯ ꝯsent , « Et del torner arriere n' ' i a pr pensement . 1 . Menuiax, O. Sp. eneveis qui n'a pas de sens. 2 . Ce vers est faux dans O. et Sp. 3 . 17 Ce vers est faux dans O. et Sp.4 . mgalez, avec une abréviation dont le sens
m'est pas très— sûr. La leçon
d'O. et de Sp, est
corrompue. 5 . O. Sp. Et si onques
despuis (! ! )6 . O. Sp. et ne se
sistrent, qui semble préférable. 7 . La fin de ce vers n'est pas une cheville, c'est
la formule des actes de fidélité, principalement dans
le Midi : non ti decebrai de ta vida ne de ta membra
que a tuo corpore junecta sunt, Recueil d'anciens
textes, partie provençale,
n° 42; cf. Vaissète, 1l, pF. CXXI, CXXVI,
CLAXI, etc. 8 . Entre ce feuillet et l'autre il y a, selon le ms. d'Oxford, si j'ai bien
compté, une lacuné de 237 vers, soit quatre de nos feuillets. Comme ce second
fragment appartient à une partie du poème que je n'ai pas publiée dans ma
dissertation, je [ fol. 492 ] vais, pour rendre plus facile l'intelligence du
morceau , transcrire d'après le ms. d'Oxford le début de la tirade, le faisant
imprimer en italiques. Je ne donne qu'exceptionnellement, dans les notes, les
variantes du ms. d'Oxford, qui en général sont sans valeur.
Dans ce morceau le poète traite sa matière avec une grande liberté, prêtant à ses
personnages des discours dont on trouve à peine l'idée dans le texte latin. Ainsi
les paroles mises dans la bouche de Boëmond (v. 12—7) paraissent avoir pour
origine ces mots de Baudri : « Francis prætendere se juramentum nulli nisi « Deo
debere, cujus milites erant in via
9 . » La résistance de Raimon de
Saint— Gilles, lorsqu'on le prie de prêter serment à l'empereur, est indiquée par
Baudri : « Comes autem S. Ægidii plus aliis renitebatur. » Mais je ne vois pas que
le message envoyé à Alexis par « deux prudhommes, Alexandre et Renier », se
rencontre dans aucun récit latin.
9 . Bongars, 93/46; Histor. occid. des
croisades, IV (non encore achevé), 25 c.10 . Baudri, 93/6 : « Misit autem ad hoc quendam suum corpalatium » ; voy. Du Cange, cura palatii, sous cura 7. 11 . Corr. S. come
le feront. 12 . Ms. Si porent c. dendroit. 13 . Voici le texte du second fragment :14 . Ce vers, assez peu utile, manque dans O.
urn:cts:froLit:geste.jns9024.ed_CroisBaudriM2
Citer cet extrait:
Siège d'Antioche / Récit de la première croisade d'après Baudri de
Bourgueil:
Fragments Hatton: numérisation de l'édition de P. Meyer
, éd. par Paul Meyer,
Encodage en TEI
Marie-Laurence Bonhomme
édition numérique sous la direction de
Jean-Baptiste Camps
, dans
Geste: un corpus de chansons de geste , dir. Jean-Baptiste Camps, avec la collab. d'Elena Albarran, Alice Cochet & Lucence Ing, Paris, 2016-…, CC BY-SA, URN: urn:cts:froLit:geste.jns9024.ed_CroisBaudriM2, en ligne:
https://dev.chartes.psl.eu/elec/geste/text/urn:cts:froLit:geste.jns9024.ed_CroisBaudriM2/passage/1-103